mardi 21 avril 2015

9 plumes pour 1 histoire : l' integral


Hier soir, Claire avait tout préparé. 
Les vêtements des enfants étaient soigneusement posés au pied de leur lit. Margot avait gym, alors Claire avait pensé à sortir les baskets et le sac de sport. Les cartables avaient été vérifiés, 2 fois, et elle avait même glissé les goûters dans la poche avant … Des biscuits au chocolat pour Lucile et un yaourt à boire pour Margot. Elle avait même veillé à signer le cahier de liaison pour éviter que la maîtresse ne lui fasse encore une fois les gros yeux quand elle irait récupérer les filles. 
La table du petit déjeuner était dressée et Claire avait même programmé la cafetière pour que Sébastien nait plus qu’à faire couler le café en se levant. 
Claire avait méticuleusement choisi sa tenue, elle aussi … Elle avait hésité un moment à acheter quelque chose de nouveau et puis elle avait fini par se dire que ce n’était pas nécessaire et que, ce dont elle avait surtout besoin, c’est d’une tenue confortable qu’elle ait l’habitude de porter. 
Quand le réveil avait sonné, tout s’était enchaîné sans encombre pour une fois. Les filles avaient réussi à enfiler leurs tenues sans aucune aide. Sébastien et Claire avaient eu le temps de prendre leur café tous les deux, installés  l’un à côté de l’autre, face à la fenêtre qui donnait sur la cour encore plongée dans la pénombre  et il était à peine 8h05 lorsque les enfants et Sébastien avaient claqué la porte de l’appartement en lui lançant un dernier «à ce soir!» 
Elle les avait entendus dévaler les escaliers en riant. L’appartement était silencieux à présent. 
Elle avait attrapé son sac à main, vérifié une dernière fois son reflet dans le miroir de l’entrée et fermé la porte à clé.  
Au moment de se mettre au volant, Claire en était certaine, tout allait bien se passer …  
Pourtant, cela faisait maintenant plus de 15 minutes qu’elle tournait en rond dans le quartier sans trouver le moindre emplacement pour se garer … Même en s’éloignant un peu, impossible de trouver une place …. Claire commençait à avoir les mains moites et le cœur qui bat … Elle avait tout anticipé sauf le fait que ce jour-là c’était jour de marché, et la place et toutes les allées autour étaient encombrées de marchands en tout genre … Les rares places qui restaient avaient été prises d’assaut par les matinaux. 
Elle allait être en retard au rendez-vous le plus important de sa vie … Cet instant qu’elle attendait et redoutait depuis des jours.  
Elle le savait si elle arrivait en retard, trop tard, cela pourrait tout changer … 

A force de tourner, elle avait fini par trouver une place à quelques pâtés de maisons. Elle devait faire vite, mais une fois le contact coupé, elle prit un instant pour respirer. Trois longues inspirations et expirations. Voilà de quoi faire baisser au moins un tout petit peu la pression et se ressaisir.  
Claire sortit de la voiture et commençait à marcher en direction du bâtiment repéré la veille. Elle ne connaissait pas le quartier et s'efforçait de jeter des coups d'œil à droite à gauche, imaginant que cette boulangerie ou ce café deviendrait peut-être un peu son quotidien, si jamais ce rendez-vous se passait comme elle l'espérait.  
Sauf qu'au lieu de l'apaiser, ces pensées lui rappelaient davantage l'enjeu de cette prochaine heure.  
Prise d'une soudaine impulsion, elle entra dans le premier bureau de tabac et acheta des cigarettes. Un demi-paquet de 10, des mentholées. 
En vérifiant sa montre, elle constata qu'elle avait le temps de s'octroyer ce petit plaisir. La dernière fois remontait à si longtemps. A sa vie d'avant, avant les filles, avant Sébastien même. 
En s'asseyant sur un banc, une pointe de culpabilité lui effleura l'esprit, et repartit comme elle était venue. Elle pouvait bien se le permettre, après tout. Ca lui donnait même des forces, de braver cet interdit qu'elle s'imposait depuis des années. Et puis aujourd'hui était un jour particulier.  
Elle ressentait le poids de toute la tension accumulée depuis des jours. Voilà plus d'un mois qu'elle ne sombrait dans un sommeil perturbé qu'à des heures indues.  Qu'elle imaginait tous les scénarios possibles, les pires la plupart du temps. Elle se sentait maintenant comme au bord d'un précipice, sans savoir si c'était des rochers ou des matelas moelleux qui l'attendaient en bas. 
Elle prenait le temps de tirer longuement sur sa cigarette, essayant de faire le vide dans sa tête. 
Elle se remémorait les conseils de son thérapeute : se concentrer sur sa colonne d'air, sur son ventre qui se gonflait. Elle fermait les yeux quelques secondes. 
Quand elle les ouvrit à nouveau, ... 
… le tourbillon qui l’agitait avait déjà un peu ralenti. Elle se leva. Puisqu’elle avait fait tout ce chemin, autant y aller maintenant. 
«Tout ce chemin, et pour quoi?» 
Ce soir-là, arrivée en bas de chez elle, Claire resta un instant immobile derrière le volant de sa voiture. Elle avait envisagé mille cas de figure, mais elle était surprise d’être finalement aussi calme. Elle avait attendu ce jour pendant si longtemps… elle s’était répété les phrases, les questions à poser. Tellement de questions… et que lui restait-il à présent? Cela navait même pas duré si longtemps que ça.  
Elle se souvenait du claquement beaucoup trop fort de ses talons sur le dallage du couloir, du dossier inconfortable de la chaise où elle s’était assise, du verre d’eau qu’elle avait gardé entre ses mains pour les occuper. Le reste était un peu flou. Il y avait surtout ce regard, ces yeux à la fois familiers et étrangers, où elle avait souhaité retrouver quelque chose. Mais peut-être que cette chose avait été perdue depuis trop longtemps. 
Elle avait passé le reste de la journée à déambuler au hasard des rues, et à finir son paquet de cigarettes. L’agitation du matin avait laissé place à un grand vide. Elle s’était trouvée tout à coup incapable de comprendre pourquoi elle avait tant attendu ces retrouvailles. Claire secoua la tête. Elle se sentait un peu idiote d’avoir trop espéré. 
Se lancer du haut de la falaise lui avait demandé pas mal de courage, mais elle se rendait compte que ce saut n’était rien à côté des choix qui l’attendaient. Elle soupira. Pour le moment, il fallait surtout rentrer à la maison, c’était presque l’heure du repas.  
Le temps qu’elle arrive sur le palier, un sourire s’était déjà dessiné sur les lèvres de Claire. Quoi qu’il arrive: sa famille, elle était là
Une fois les filles couchées, comme tous les soirs, Claire se retrouvait seule à attendre le retour de Sébastien. 
Allongée sur le canapé, au bord de la nausée, le souvenir de cette journée ne cessait de la hanter. Elle sursautait lorsque son téléphone vibra sur le parquet. Elle regarda le numéro qui s’affichait sur l’écran. C’était celui de Diego; l'agent  qu'elle avait rencontré le matin même et qui semblait vouloir foutre en l'air tout ce qu'elle s'était acharné à construire. Elle regarda longuement le téléphone avant de se décider. 
Au fond d'elle, elle savait pertinemment dans quel «merdier» elle mettrait les pieds en décrochant.  
- Qu’attendez-vous de moi? demanda-t-elle 
- Il est temps de terminer le travail
- Quel travail? Je ne comprends toujours rien et je ne vois vraiment pas ce que je peux faire pour vous aider. Je vous ai dit lors de notre entretien que je n'appartenais plus à ce passé. J'ai refait ma vie loin de ce monde et croyez-moi, vous devriez en faire autant, cela vous rendrait certainement un peu plus aimable. 
Le ton employé par Claire ne semblait pas être du goût de Diego. Elle n'avait visiblement rien perdu de son caractère.  
- Vous n'avez pas le choix. Une voiture vous attendra demain à 9h30 au coin de votre rue. Ne soyez pas en retard, nous avons déjà trop attendu. 
- Mais, c’est impossible! Je ne peux pas laisser ma famille comme ça, il faut que je prépare mon départ
- Comme je viens de vous le dire, vous n’avez pas le choix, la mission doit être terminée. 
- Mais de quelle mission me parlez-vous enfin et puis que se passerait-il si je venais à refuser ? 
- Vous pourriez dire adieu à votre jolie petite famille. A demain, Claire. 
A ces mots et pour avoir côtoyé ces gens là, Claire savait que ce genre de menaces n'étaient pas à prendre à la légère. Elle raccrocha et courut jusqu’aux toilettes pour vomir tout ce passé qui remontait à la surface. Le goût était amer. 
Sébastien allait rentrer d’une minute à l’autre. Claire devait reprendre ses esprits au plus vite et devait planifier son départ.  
Lorsqu'il rentra, rien ne sembla changer de d'habitude. Il lui demanda comment s'était passé l'entretien. «Sans intérêt» lui répondit-elle. «Je ne pense pas convenir pour le poste. Ce n'est pas grave continua-t-elle d'autres occasions se présenteront un jour où l'autre. Et puis ma carrière me satisfait pleinement. Je ne sais pas ce qui m'a pris de répondre à cette annonce. C'était une grossière erreur. Oublions et dînons, que dirais-tu d'un verre de vin?» 
La soirée se termina comme la matinée avait commencé à deux -amoureusement- installés l’un à côté de l’autre, autour d'un dîner face à la fenêtre qui donnait sur la cour. Ce soir-là, ils discutaient de tout et de rien, un verre de vin à la main. Et une fois de plus, Sébastien porté par cette ambiance ne manqua pas de lui faire part de son désir d'avoir un autre enfant ... 
Le lendemain et après le départ de sa famille, Claire se rendit dans le dressing et prépara son sac. Elle ouvrit le petit coffre qui se trouvait sous ses nombreuses paires de chaussures et en sortit une fiole remplie de liquide translucide  qu’elle glissa dans la doublure de son sac. Elle n’avait plus le temps, il fallait partir au plus vite.  
Dire qu'elle avait cru se rendre à un banal entretien d'embauche. Elle s'imaginait diriger l'un des plus grands laboratoires pharmaceutique de France. Certes, lorsqu'elle avait lu l'annonce, elle avait eu la surprise de voir que certaines des qualifications demandées étaient exactement les siennes.  
«C'est l'opportunité de ma vie» s'était-elle dit en partageant cette annonce avec Sébastien, son premier soutien; sans penser une seconde à la surexposition qu'exigeait ce poste ni même à la charge de travail que cela pouvait représenter. 
A ce moment, elle regardait vers l'avenir et avait pendant quelques minutes oublié son passé. 
Cela aurait dû lui mettre la puce à l'oreille. Quelle entreprise normale recherche une chargée de projet  ayant une connaissance de l'Asie et une expérience professionnelle aux Etats-Unis? A part eux, qui savait qu'elle parlait l'anglais, le russe, l'arabe et l'hindi? «Connaissance du russe et de l'arabe indispensable. L'hindi serait un plus» Qui poste ce genre d'annonces
Ils le lui avaient avoué lors de l'entretien. Une fois sûrs qu'elle avait trouvé refuge en France, ils avaient mis les grands moyens pour la retrouver: cette annonce, identique, était passée dans toutes les régions de France. Ils avaient reçu tout de même une cinquantaine de candidatures mais avaient tout de suite compris à la lecture de son CV que c'était Elle. 
Elle avait vieilli, coupé et teint ses cheveux, pris un peu de poids et changé son nom en Claire ; mais indéniablement c'était elle.  
Ils avaient toujours su qu'elle n'était pas morte dans l'attentat de New York. Elle avait magnifiquement opéré pour le faire croire, allant même jusqu'à abandonner sa fille de six mois aux pompiers new-yorkais en se faisant passer pour un simple témoin qui venait de la trouver. Le geste le plus dur qu'elle n'ait jamais eu à faire, mais indispensable pour qu'elles puissent toutes les deux vivre libres et loin de la CIA et de tous ces pourris.  Elle n'avait jamais cherché à savoir qui l'avait recueillie. Pour la protéger.  
Qui aurait-cru que la CIA  mettrait autant de temps et d'argent pour la retrouver ? Elle avait cru, à tort, que tout cela était derrière elle.  
Elle s'engouffra dans la voiture noire aux vitres teintées qui l'attendait au coin de la rue en se disant que la discrétion n'était toujours pas leur fort même après toutes ces années. 
Claire ne manqua pas de saluer Mme Dupont à qui elle a demandé de bien vouloir s'occuper des filles à leur retour de l'école et, au cas où elle ne serait pas rentrer à temps, jusqu'au retour de Sébastien.  
Pourvu qu'elle ait assez d'une journée pour régler cette «affaire». Elle savait qu'elle devrait répondre aux différentes interrogations de son mari dans le cas contraire. Elle n'était pas préparée. 
Lui qui ne savait rien de son passé. Lui qui a toujours pensé vivre aux côtés d’une femme exceptionnelle à qui tout réussi, une carrière de docteur en biologie de renommée, une vie sociale épanouie et une belle famille unie qu’il ne cessait de lui demander d’agrandir. Mais voilà, derrière cette belle façade se cache une personne au passé inavouable!
La question qu'elle ne cessait de se poser depuis était de savoir si l'amour que Sébastien lui portait lui permettrait de lui pardonner  
Elle découvrit avec surprise que Jack l'attendait dans la voiture. Jack, son ancien agent de liaison, et un temps elle l'avait cru, son ami. Mais on n'a pas d'amis quand on travaille pour la CIA. Elle l'avait appris à ses dépens… 
- Bonjour Claire 
- J'aurais dû me douter que tu étais derrière tout ça. Maintenant que je suis là, est-ce que tu vas enfin me dire pourquoi?  
- Lakshan vient de réapparaitre. 
- Impossible, je l'ai tué souviens toi. 
- Nous en avons la preuve, Tanya. 
- Claire. 
- Comme tu veux. Toujours est-il qu'il est en vie et que toi seule sait comment l'approcher et le contacter. Il est désormais une menace principale. Il n'est plus seulement le jeune un peu perdu qui n'a pas choisi la bonne voie. Là il est devenu un gros.  
Lakshan... Le père de sa fille... La plus grosse erreur personnelle et professionnelle qu'elle n'ait jamais commise. Un frisson la parcouru à l'idée de le revoir vivant. Jack lui donna une enveloppe. 
- Qu'est-ce que c'est
- Notre dernière carte pour te convaincre. Au cas où cette petite famille là ne soit pas assez importante pour toi, on a pensé que la petite Sharmila ou plutôt la jeune adolescente Sharmila le serait... est-ce qu'on t'a dit qu'elle avait été recueillie par la plus charmante des familles qui se trouve travaillé pour nous
Pendant que la voiture s'éloignait, elle jetait un œil au dossier que venait de lui tendre Jack. Pour la première fois, elle découvrit le visage de sa fille. L'émotion la submergeait elle qui n'avait cessé de penser à cet enfant en se demandant ce qu'elle était devenue, à quoi elle pouvait ressembler. En elle, elle voyait son regard. C'était une jolie adolescente. 
Alors qu'elle sentit les larmes lui  monter, elle s'adressait à Jack
- Où allons-nous
- A Londres. 
Cette réponse ne semblait pas l'étonner. En effet, elle avait partagé la vie de  Laskan assez longtemps pour savoir que ses parents avaient vécu là-bas et qu'il affectionnait particulièrement  ce pays. L’Angleterre avait recueilli ses parents qui avaient quitté l'Ukraine dans les années 70. 
Depuis, la famille de Laskan avait fait fortune dans l'armement chimique en approvisionnant les pires racailles de ce monde.  
Si elle avait fait le choix de changer de vie et de rayer son passé c'était aussi par crainte des représailles de la famille de Laskan. Elle avait tué leur unique fils et savait qu'elle – la famille – mettrait tout en œuvre pour la retrouver. Ils en avaient les moyens. Sans oublier le fait que Claire  s'était  enfuie avec l'unique héritière de la famille.   
- Comment m'as-tu retrouvée
- Ne me dis pas que tu as oublié notre façon de travailler
- A ce que je vois ton sens de l'humour n'a pas changé depuis toutes ces années …Et surtout ne me parle pas de «notre façonde travailler». Vous vous êtes servi de moi, de mes connaissances en bio-chimie ainsi que de mes facultés à parler plusieurs langues pour arriver à vos fins. J'ai cru que je pouvais vous faire confiance où à défaut que notre amitié était assez forte pour ne pas que tu me trahisses. Je me suis trompée, je l'ai payée et je le paie. Alors si tu crois que tu peux venir chez moi me demander de  vous rendre un «dernier service» en me menaçant avec ce dossier tu te trompes. Les années sont passées Jack je ne suis plus la jeune étudiante naïve que tu as rencontrée. 
C'est vrai que Claire avait bien changé depuis leur première rencontre à l'université de Yale. 
- Écoute Tanya … 
Il n'eût pas le temps de commencer sa phrase que la voiture se gara. Ils étaient arrivés à la gare du Nord. Ni l'un ni l'autre n'avait vu défilé le trajet tellement le temps semblait avoir fait un bond en arrière. 
Claire serrait fort le dossier contre son cœur comme une façon pour elle de protéger ceux qu'elle aime.  
Jack, le savait elle ferait tout pour s'en assurer.  
Le trajet les emmenant à la gare «Saint-Pancras International» en plein cœur de Londres se passait en silence, pas un échange, pas un regard. Pourtant, dans la tête de Claire c'était le chaos. Toutes ses interrogations sans réponse ne l'aidaient pas à s'apaiser.  
Elle avait peur et n'avait qu'une envie: une cigarette.  
- Où va-t-on maintenant? demanda Claire. 
- Je retourne à Paris, j'ai d'autres dossiers à gérer. A l'intérieur du dossier, tu trouveras le numéro de téléphone d'un de nos agents ici. Il travaille sur ce dossier depuis près de cinq ans maintenant. Nous aurions pu nous passer de toi, mais disons que vous n'avez pas le même sourire et que tout comme moi, tu sais à quel point Laskan peut être sensible à ce genre de détail. Une fois, cette affaire réglée, je te promets que tu reprendras ta vie là où tu l'as quittée ce matin. 
Claire descendit du train sans un mot. Pas sûr que son sourire suffise cette fois. 
Ce qu'elle ne savait pas c'est que Jack n'était plus le même depuis la dernière fois qu'ils s'étaient vus. Lui aussi portait le poids du passé sur ses épaules enseveli sous la pression de la culpabilité. Quoi qu'elle puisse penser aujourd'hui, cette amitié était sincère. Elle n'est pas la seule à en faire les frais. Sans doute, qu'un jour viendrait où elle s'en rendrait compte.  
En attendant, l'heure n'était pas à la rédemption.  
Elle ouvrit le dossier afin de prendre contact avec celui qui travaillait sur l'affaire depuis près de cinq ans. Elle ne manqua pas de jeter un regard sur les photos de sa famille comme pour se donner du courage.  
- Allô c'est Claire 
- Claire
- Tanya, si vous préférez 
- Oui je préfère 
- Où peut-on se rejoindre? J'aimerais faire vite et rentré rapidement retrouver les gens que j'aime. 
- Rendez-vous au «Starbucks» présent dans la gare. Je vous attends. 
Elle n'eût pas le temps de poser plus de question qu'il avait raccroché. Quelques instants plus tard elle était assise face à un parfait inconnu ne sachant pas trop ce qu'elle faisait là.  
- Vous voulez un café, lui proposa-t-il 
- Non je ne bois plus de café depuis que j'ai arrêté la cigarette. Mais bon, nous ne sommes pas là pour prendre un café alors si vous me disiez ce que vous attendiez de moi. 
C'est alors, qu'il lui montra une photo récente de Laskan. Elle n'en crut pas ses yeux, c'était bien lui. Dire qu'elle avait vécu toutes ces années en pensant qu'elle avait commis le pire acte qu'un homme puisse faire alors qu'il était vivant!!!  
Elle était prise entre le sentiment de soulagement et de terreur. Qu'allait-il se passer s'il apprenait qu'elle était là?  
Il lui montra d'autres photos tout en expliquant qu'elles étaient les intentions de Laskan ainsi que la raison de sa venue à Londres.  
- Mais comment voulez-vous que j'approche un homme que je suis censée avoir tué? Et pis vous n'avez plus besoin de moi si vous l'avez localisé. Je ne comprends pas, je m'en vais. 
- Il a réussi 
- A quoi
- Il a élaboré un poison dont seule vous connaissez la formule et donc comment contrecarrer ses plans. 
IL n'en fallait pas plus pour qu'elle comprenne. Elle savait très bien de quoi il parlait. Ils avaient élaboré une formule ensemble mais n'étaient pas arrivés au bout du processus. Ils avaient abandonnés l'idée, du moins, elle avait abandonné cette idée beaucoup trop dangereuse pour elle. Jamais elle n'aurait pensé qu'il puisse y arriver même elle ne pensait pas pouvoir le faire.  
- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler. 
- A quelqu'un d'autre, je connais la vie de cet homme aussi bien que je connais la mienne dit-il en prenant une gorgée de son café. Une partie de votre vie, du moins la période où vous étiez ensemble, est intimident liée à la sienne. Je sais très bien que vous savez de quoi je parle continua-t-il en la fixant du regard.  
- Admettons, quelle est la suite de l'histoire
- Il va falloir que vous infiltriez de nouveau son réseau. 
- Il s’en prendra à moi. Je l’ai laissé pour mort s’écria alors Claire.  
 - vous devez terminer cette mission et pour cela vous devrez vous protéger. Votre meilleure protection aujourd’hui sera Sharmila. Lakshan ne vous fera aucun mal si vous lui dites qu’il a une fille et qu’il pourra la rencontrer. 
L’homme de la CIA partit alors rechercher un café afin de laisser Claire réfléchir à ce qu’il venait de dire. Elle se demanda comment sa vie avait pu autant changer en 36h. Maintenant que la CIA l’avait retrouvée, elle avait l’obligation morale de finir la mission mais que risquait sa famille? Et Sharmila?  
Claire ne savait rien de cette adolescente, elle s’était souvent demandé ce qu’elle était devenue. Surtout à la naissance de ses 2 autres filles, les petites sœurs de Sharmila. Son cœur se serra à cette pensée, elle devra s’expliquer sur son passé. 
Claire savait qu’elle se trouvait à un moment de sa vie où tout allait basculer.  
L’homme revint, et lui tendit une enveloppe, un ordinateur portable et un téléphone. Il lui expliqua qu’il y avait toutes les informations dont elle avait besoin pour sa mission et qu’il travaillerait pour elle, Il se présenta sous le nom de John.  
- Ma voiture est au parking, vous êtes prête
Claire regarda les gens autour d’elle, ces personnes qui ont une vie calme, comme elle, avant qu’elle ne réponde à cette annonce. Elle sortit son téléphone personnel de son sac et composa le numéro de Mme Dupont afin de lui demander de s’occuper des enfants puis appela Sébastien en se demandant comment expliquer la situation. Elle tomba finalement sur le répondeur ce qui permit de l’informer de son absence pour quelques jours sans répondre à des questions auxquelles Claire n’était pas encore prête, puis coupa son téléphone. 
- On y va 
Claire se retrouva dans une Audi A3 avec cet homme travaillant pour la CIA. Elle ouvrit l’enveloppe qui contenait: un plan, une photo de Sharmila et un rapport militaire sur l’armement chimique. Elle expliqua à John qu’elle devait se rendre dans la banlieue de Londres, au domicile de Lakshan. 
Il restait donc 1h à Claire avant d’affronter son passé. 
Comment allait-elle faire, comment pourrait-elle lui parler de leur fille qu'elle ne connaissait pas? 
Bien sûr, il y avait le dossier mais il la connaissait, il devinerait le mensonge. Non, il allait falloir être convaincante, ne pas trop s'épancher sur leur fille ni sur sa nouvelle vie et se concentrer sur le poison. 
En lui parlant de leur fille, elle se protégeait mais ne mettait elle pas Sharmilla en danger? Certes, il l'aimerait, mais si elle ne finissait pas la mission, ne serait elle pas en danger? 
Puis pour finir la mission devrait-elle encore commettre l'irréparable? 
Le poison lui posait aussi souci, quand elle l’avait laissé, ils essayaient de l'élaborer et en douce elle avait tenté de faire un antidote. 
Il n'était pas question qu'il se serve de cette arme car produit en grande quantité, ce poison le deviendrait une arme biochimique. 
Déjà, l'ébauche était mortelle mais Laskan n'en était pas satisfait, il voulait le poison parfait, incolore, inodore, indétectable laissant penser à une mort naturelle. Mais l'incolore et indétectable relevait du miracle. 
Le convaincre de la reprendre dans son équipe n'allait pas être aisé, après tout, elle l'avait laissé pour mort et malgré Sharmilla comme assurance, ça ne semblait pas bien se profiler. 
Le coup de l'agent qui se retourne contre ses employeurs, lui semblait une bonne ébauche de plan, après toutes ses années à les oublier, sa colère contre eux de l'avoir de nouveau embarqué la dedans lui servirait. 
Mais trop de questions lui traversaient l'esprit, un gout de bile se faisait ressentir dans la bouche. 
-Non Claire ne panique pas, tu l'as déjà fait, c'est comme refaire du vélo, ça ne s'oublie pas. 
Et pourtant que n'aurait-elle pas donné pour ne pas remonter sur cette fichue bécane. 
La voiture s'arrêta devant le bâtiment, elle prit une grande inspiration et sortit de la voiture. 
Tête droite, regard vif, démarche assurée, elle avança vers l'interphone et appuya. 
C'est maintenant que tout commence et que tout se finit pensa claire avant d'entendre le déclic de la porte d'entrée 
Claire serrait les dents en franchissant les escaliers des deux étages qui la séparaient de ses retrouvailles avec Laskan, son ancien amour, l’homme pour qui elle aurait tout abandonné, avant. 
La porte s’ouvrit d’un coup, Claire était tétanisée, elle essayait de contenir son angoisse : elle voulait paraître sereine, elle ne sait pas pourquoi cela lui tenait tellement à cœur, peut-être n’avait-elle jamais fait une croix sur cet amour passé, finalement. 
Mais quand la porte fût ouverte et qu’elle découvrit le visage de l’homme qui l’attendait, quelle ne fût pas sa stupeur ! 
Elle devint livide en découvrant Sébastien, son mari ! 
Son visage se crispa, puis elle céda à la panique, l’incompréhension, la peur. Elle qui, dans sa vie d’avant était connue pour son calme et sa détermination, était maintenant complètement déstabilisée. 
Sébastien la fit asseoir, elle le suivit, hébétée. Il posa la main sur son épaule et commença à parler : « Claire, je t’aime depuis le tout premier jour, je t’aime depuis que nos regards se sont croisés. » 
Claire ne comprenait pas où il voulait en venir, ni ce que ce John savait, où encore si Jack était au courant de quoique ce soit : « Où est Laskan ?! » 
« Claire, Laskan est mort depuis le jour où tu l’as éxecuté. Mais ce jour-là, tu as perdu plus que ton premier amour, tu as aussi perdu ta fille. Depuis que je partage ta vie, je partage aussi tes angoisses, tes peurs et surtout tes cauchemars la nuit : grâce à eux, j’ai compris que ta vie d’avant n’avait pas été simple. Puis, j’ai voulu en savoir plus. 
J’ai noté consciencieusement les bribes d’informations, les noms que j’entendais pendant tes crises nocturnes. Ensuite, j’ai mené mon enquête et retrouvé Jack qui m’a raconté toute ton histoire. » 
Claire était sidérée et affolée, elle découvrait un autre homme, se posait mille questions : « Mais où sont Lucile et Margot ? » 
Sébastien la rassurait : « Ne t’en fais pas, elles sont chez mes parents, elles ne savent rien. » 
« Mais pourquoi cette mise en scène ?! Pourquoi ne pas m’avoir dit tout simplement que tu étais au courant de tout ? » 
« Je ne supportais plus tes hurlements la nuit, l’état dans lequel tu te mettais à cause de ces souvenirs qui te hantaient, puis le matin quand tu oublias tout grâce à ces pilules « magiques » que ton psy t’avait prescrit. Moi, je le vivais mal et je voulais mettre fin à ce calvaire, sans pilule magique ! » 
Claire ne comprenait pas le but de cette mise en scène : « Et alors, te faire passer pour Laskan, ça va changer quoi ? Et pourquoi m’avoir fait venir ici ? » 
Sébastien la regardait droit dans les yeux, prit une voix calme et posée et lui avoua : «  La mise en scène, c’était pour que tu acceptes de venir. Et, il fallait que tu viennes pour rencontrer Sharmilla, ta fille. » 
Sharmilla apparut derrière Sébastien, plus belle et plus souriante que sur la photo, encore plus resplendissante que dans l’imagination de Claire. 
Claire lâcha prise et fondit en larmes en embrassant sa fille pour la première fois. 
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 Conclusion : Je suis  contente d'avoir participé à la loufoquerie de Nath et du résultat : on recommence ! 
See U ;-)

2 commentaires:

  1. Quel talent et quelle belle fin...inattendue ! Bravo aux 9 auteures pour avoir su accorder vos 9 plumes !

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