Hier soir, Claire avait
tout préparé.
Les vêtements des enfants
étaient soigneusement posés au pied de leur lit. Margot avait gym, alors Claire
avait pensé à sortir les baskets et le sac de sport. Les cartables avaient été
vérifiés, 2 fois, et elle avait même glissé les goûters dans la poche avant …
Des biscuits au chocolat pour Lucile et un yaourt à boire pour Margot. Elle
avait même veillé à signer le cahier de liaison pour éviter que la maîtresse ne
lui fasse encore une fois les gros yeux quand elle irait récupérer les filles.
La table du petit déjeuner
était dressée et Claire avait même programmé la cafetière pour que Sébastien n’ait plus qu’à faire couler le café en se levant.
Claire avait
méticuleusement choisi sa tenue, elle aussi … Elle avait hésité un moment à
acheter quelque chose de nouveau et puis elle avait fini par se dire que ce
n’était pas nécessaire et que, ce dont elle avait surtout besoin, c’est d’une
tenue confortable qu’elle ait l’habitude de porter.
Quand le réveil avait
sonné, tout s’était enchaîné sans encombre pour une fois. Les filles avaient
réussi à enfiler leurs tenues sans aucune aide. Sébastien et Claire avaient eu
le temps de prendre leur café tous les deux, installés l’un à côté de
l’autre, face à la fenêtre qui donnait sur la cour encore plongée dans la pénombre
et il était à peine 8h05 lorsque les enfants et Sébastien avaient claqué la
porte de l’appartement en lui lançant un dernier « à ce soir ! »
Elle les avait entendus
dévaler les escaliers en riant. L’appartement était silencieux à présent.
Elle avait attrapé son sac
à main, vérifié une dernière fois son reflet dans le miroir de l’entrée et
fermé la porte à clé.
Au moment de se mettre au
volant, Claire en était certaine, tout allait bien se passer …
Pourtant, cela faisait
maintenant plus de 15 minutes qu’elle tournait en rond dans le quartier sans
trouver le moindre emplacement pour se garer … Même en s’éloignant un peu,
impossible de trouver une place …. Claire commençait à avoir les mains moites
et le cœur qui bat … Elle avait tout anticipé sauf le fait que ce jour-là
c’était jour de marché, et la place et toutes les allées autour étaient
encombrées de marchands en tout genre … Les rares places qui restaient avaient
été prises d’assaut par les matinaux.
Elle allait être en retard
au rendez-vous le plus important de sa vie … Cet instant qu’elle attendait et
redoutait depuis des jours.
Elle le savait si elle
arrivait en retard, trop tard, cela pourrait tout changer …
A force de tourner, elle
avait fini par trouver une place à quelques pâtés de maisons. Elle devait faire
vite, mais une fois le contact coupé, elle prit un instant pour respirer. Trois
longues inspirations et expirations. Voilà de quoi faire baisser au moins un
tout petit peu la pression et se ressaisir.
Claire sortit de la voiture
et commençait à marcher en direction du bâtiment repéré la veille. Elle ne
connaissait pas le quartier et s'efforçait de jeter des coups d'œil à
droite à gauche, imaginant que cette boulangerie ou ce café deviendrait
peut-être un peu son quotidien, si jamais ce rendez-vous se passait comme elle
l'espérait.
Sauf qu'au lieu de
l'apaiser, ces pensées lui rappelaient davantage l'enjeu de cette prochaine
heure.
Prise d'une soudaine
impulsion, elle entra dans le premier bureau de tabac et acheta des cigarettes.
Un demi-paquet de 10, des mentholées.
En vérifiant sa montre,
elle constata qu'elle avait le temps de s'octroyer ce petit plaisir. La
dernière fois remontait à si longtemps. A sa vie d'avant, avant les filles,
avant Sébastien même.
En s'asseyant sur un banc,
une pointe de culpabilité lui effleura l'esprit, et repartit comme elle
était venue. Elle pouvait bien se le permettre, après tout. Ca lui donnait même
des forces, de braver cet interdit qu'elle s'imposait depuis des années. Et
puis aujourd'hui était un jour particulier.
Elle ressentait le poids de
toute la tension accumulée depuis des jours. Voilà plus d'un mois qu'elle ne
sombrait dans un sommeil perturbé qu'à des heures indues. Qu'elle
imaginait tous les scénarios possibles, les pires la plupart du temps. Elle se
sentait maintenant comme au bord d'un précipice, sans savoir si c'était des
rochers ou des matelas moelleux qui l'attendaient en bas.
Elle prenait le temps de
tirer longuement sur sa cigarette, essayant de faire le vide dans sa tête.
Elle se remémorait les
conseils de son thérapeute : se concentrer sur sa colonne d'air, sur son ventre
qui se gonflait. Elle fermait les yeux quelques secondes.
Quand elle les ouvrit à
nouveau, ...
… le tourbillon qui
l’agitait avait déjà un peu ralenti. Elle se leva. Puisqu’elle avait fait tout
ce chemin, autant y aller maintenant.
« Tout ce chemin, et pour quoi ? »
Ce soir-là, arrivée en bas
de chez elle, Claire resta un instant immobile derrière le volant de sa
voiture. Elle avait envisagé mille cas de figure, mais elle était surprise
d’être finalement aussi calme. Elle avait attendu ce jour pendant si longtemps…
elle s’était répété les phrases, les questions à poser. Tellement de questions…
et que lui restait-il à présent ? Cela
n’avait
même pas
duré si
longtemps que ça.
Elle se souvenait du
claquement beaucoup trop fort de ses talons sur le dallage du couloir, du
dossier inconfortable de la chaise où elle s’était assise, du verre d’eau
qu’elle avait gardé entre ses mains pour les occuper. Le reste était un peu
flou. Il y avait surtout ce regard, ces yeux à la fois familiers et étrangers,
où elle avait souhaité retrouver quelque chose. Mais peut-être que cette chose
avait été perdue depuis trop longtemps.
Elle avait passé le reste
de la journée à déambuler au hasard des rues, et à finir son paquet de
cigarettes. L’agitation du matin avait laissé place à un grand vide. Elle
s’était trouvée tout à coup incapable de comprendre pourquoi elle avait tant
attendu ces retrouvailles. Claire secoua la tête. Elle se sentait un peu idiote
d’avoir trop espéré.
Se lancer du haut de la
falaise lui avait demandé pas mal de courage, mais elle se rendait compte que
ce saut n’était rien à côté des choix qui l’attendaient. Elle soupira. Pour le
moment, il fallait surtout rentrer à la maison, c’était presque l’heure du
repas.
Le temps qu’elle arrive sur
le palier, un sourire s’était déjà dessiné sur les lèvres de Claire. Quoi qu’il
arrive : sa famille, elle était là.
Une fois les filles
couchées, comme tous les soirs, Claire se retrouvait seule à attendre le retour
de Sébastien.
Allongée sur le canapé, au
bord de la nausée, le souvenir de cette journée ne cessait de la hanter. Elle
sursautait lorsque son téléphone vibra sur le parquet. Elle regarda le numéro
qui s’affichait sur l’écran. C’était celui de Diego ; l'agent qu'elle avait rencontré le matin même et qui semblait
vouloir foutre en l'air tout ce qu'elle s'était acharné à construire. Elle
regarda longuement le téléphone avant de se décider.
Au fond d'elle, elle savait
pertinemment dans quel « merdier » elle mettrait les pieds en décrochant.
- Qu’attendez-vous de moi ? demanda-t-elle
- Il est temps de terminer
le travail !
- Quel travail ? Je ne comprends toujours rien et je ne vois vraiment
pas ce que je peux faire pour vous aider. Je vous ai dit lors de notre entretien
que je n'appartenais plus à ce passé. J'ai refait ma vie loin de ce monde et croyez-moi,
vous devriez en faire autant, cela vous rendrait certainement un peu plus
aimable.
Le ton employé par Claire
ne semblait pas être du goût de Diego. Elle n'avait visiblement rien perdu de
son caractère.
- Vous n'avez pas le choix.
Une voiture vous attendra demain à 9h30 au coin de votre rue. Ne soyez pas en
retard, nous avons déjà trop attendu.
- Mais, c’est impossible ! Je ne peux pas laisser ma famille comme ça, il faut que je prépare mon départ !
- Comme je viens de vous le
dire, vous n’avez pas le choix, la mission doit être terminée.
- Mais de quelle mission me
parlez-vous enfin et puis que se passerait-il si je venais à refuser
?
- Vous pourriez dire adieu
à votre jolie petite famille. A demain, Claire.
A ces mots et pour avoir
côtoyé ces gens là, Claire savait que ce genre de menaces n'étaient pas à
prendre à la légère. Elle raccrocha et courut jusqu’aux toilettes pour vomir
tout ce passé qui remontait à la surface. Le goût était amer.
Sébastien allait rentrer
d’une minute à l’autre. Claire devait reprendre ses esprits au plus vite et
devait planifier son départ.
Lorsqu'il rentra, rien ne
sembla changer de d'habitude. Il lui demanda comment s'était passé l'entretien.
« Sans intérêt » lui répondit-elle. « Je ne pense pas convenir pour le poste. Ce n'est pas
grave continua-t-elle d'autres occasions se présenteront un jour où l'autre. Et puis ma carrière me satisfait pleinement. Je ne sais pas ce
qui m'a pris de répondre à cette annonce. C'était une grossière erreur.
Oublions et dînons, que dirais-tu d'un verre de vin ? »
La soirée se termina comme
la matinée avait commencé à deux -amoureusement- installés l’un à côté de
l’autre, autour d'un dîner face à la fenêtre qui donnait sur la cour. Ce soir-là,
ils discutaient de tout et de rien, un verre de vin à la main. Et une fois de
plus, Sébastien porté par cette ambiance ne manqua pas de lui faire part de son
désir d'avoir un autre enfant ...
Le lendemain et après le
départ de sa famille, Claire se rendit dans le dressing et prépara son
sac. Elle ouvrit le petit coffre qui se trouvait sous ses nombreuses paires de
chaussures et en sortit une fiole remplie de liquide translucide qu’elle
glissa dans la doublure de son sac. Elle n’avait plus le temps, il fallait
partir au plus vite.
Dire qu'elle avait cru se
rendre à un banal entretien d'embauche. Elle s'imaginait diriger l'un
des plus grands laboratoires pharmaceutique de France. Certes, lorsqu'elle
avait lu l'annonce, elle avait eu la surprise de voir que certaines des
qualifications demandées étaient exactement les siennes.
« C'est l'opportunité de ma vie » s'était-elle dit en partageant cette annonce avec Sébastien, son premier soutien ; sans penser une seconde à la surexposition qu'exigeait ce poste ni même à la charge de travail que cela pouvait représenter.
A ce moment, elle regardait
vers l'avenir et avait pendant quelques minutes oublié son passé.
Cela aurait dû lui mettre
la puce à l'oreille. Quelle entreprise normale recherche une
chargée de projet ayant une connaissance de l'Asie et une expérience
professionnelle aux Etats-Unis ? A
part eux, qui savait qu'elle parlait l'anglais, le russe, l'arabe et l'hindi ? « Connaissance du russe et de l'arabe indispensable.
L'hindi serait un plus » Qui poste ce genre d'annonces ?
Ils le lui avaient
avoué lors de l'entretien. Une fois sûrs qu'elle avait trouvé refuge
en France, ils avaient mis les grands moyens pour la retrouver : cette annonce, identique, était passée dans toutes les régions de France. Ils avaient reçu tout de même une cinquantaine de candidatures mais
avaient tout de suite compris à la lecture de son CV que c'était Elle.
Elle avait vieilli, coupé
et teint ses cheveux, pris un peu de poids et changé son nom en Claire ; mais
indéniablement c'était elle.
Ils avaient toujours su
qu'elle n'était pas morte dans l'attentat de New York. Elle avait
magnifiquement opéré pour le faire croire, allant même jusqu'à abandonner sa
fille de six mois aux pompiers new-yorkais en se faisant passer pour un simple
témoin qui venait de la trouver. Le geste le plus dur qu'elle n'ait jamais eu à
faire, mais indispensable pour qu'elles puissent toutes les deux vivre libres
et loin de la CIA et de tous ces pourris. Elle n'avait jamais cherché à
savoir qui l'avait recueillie. Pour la protéger.
Qui aurait-cru que la
CIA mettrait autant de temps et d'argent pour la retrouver ? Elle avait
cru, à tort, que tout cela était derrière elle.
Elle s'engouffra dans
la voiture noire aux vitres teintées qui l'attendait au coin de la rue en
se disant que la discrétion n'était toujours pas leur fort même après toutes
ces années.
Claire ne manqua pas de
saluer Mme Dupont à qui elle a demandé de bien vouloir s'occuper des filles à
leur retour de l'école et, au cas où elle ne serait pas rentrer à
temps, jusqu'au retour de Sébastien.
Pourvu qu'elle ait assez
d'une journée pour régler cette « affaire ». Elle savait qu'elle devrait répondre aux différentes interrogations de son mari dans le cas
contraire. Elle n'était pas préparée.
Lui qui ne savait rien de
son passé. Lui qui a toujours pensé vivre aux côtés d’une femme exceptionnelle
à qui tout réussi, une carrière de docteur en biologie de renommée, une vie
sociale épanouie et une belle famille unie qu’il ne cessait de lui demander
d’agrandir. Mais voilà, derrière cette belle façade se cache une personne au
passé inavouable !
La question qu'elle ne
cessait de se poser depuis était de savoir si l'amour que Sébastien lui portait
lui permettrait de lui pardonner
Elle découvrit avec
surprise que Jack l'attendait dans la voiture. Jack, son ancien
agent de liaison, et un temps elle l'avait cru, son ami. Mais on n'a pas d'amis
quand on travaille pour la CIA. Elle l'avait appris à ses dépens…
- Bonjour Claire
- J'aurais dû me
douter que tu étais derrière tout ça. Maintenant que je suis là, est-ce que tu
vas enfin me dire pourquoi ?
- Lakshan vient
de réapparaitre.
- Impossible, je l'ai tué
souviens toi.
- Nous en avons la preuve,
Tanya.
- Claire.
- Comme tu veux. Toujours
est-il qu'il est en vie et que toi seule sait comment l'approcher et le
contacter. Il est désormais une menace principale. Il n'est plus seulement le
jeune un peu perdu qui n'a pas choisi la bonne voie. Là il est devenu un
gros.
Lakshan... Le père de sa
fille... La plus grosse erreur personnelle et professionnelle qu'elle n'ait
jamais commise. Un frisson la parcouru à l'idée de le revoir vivant. Jack lui
donna une enveloppe.
- Qu'est-ce que c'est ?
- Notre dernière carte pour
te convaincre. Au cas où cette petite famille là ne soit pas assez importante
pour toi, on a pensé que la petite Sharmila ou plutôt la jeune
adolescente Sharmila le serait... est-ce qu'on t'a dit qu'elle avait
été recueillie par la plus charmante des familles qui se trouve travaillé pour
nous ?
Pendant que la voiture
s'éloignait, elle jetait un œil au dossier que venait de lui tendre Jack.
Pour la première fois, elle découvrit le visage de sa fille. L'émotion la
submergeait elle qui n'avait cessé de penser à cet enfant en se demandant ce
qu'elle était devenue, à quoi elle pouvait ressembler. En elle, elle voyait son
regard. C'était une jolie adolescente.
Alors qu'elle sentit les
larmes lui monter, elle s'adressait à Jack :
- Où allons-nous ?
- A Londres.
Cette réponse ne semblait
pas l'étonner. En effet, elle avait partagé la vie de Laskan assez
longtemps pour savoir que ses parents avaient vécu là-bas et qu'il
affectionnait particulièrement ce pays. L’Angleterre avait recueilli ses
parents qui avaient quitté l'Ukraine dans les années 70.
Depuis, la famille de Laskan avait
fait fortune dans l'armement chimique en approvisionnant les pires racailles de
ce monde.
Si elle avait fait le choix
de changer de vie et de rayer son passé c'était aussi par crainte des
représailles de la famille de Laskan. Elle avait tué leur unique fils et
savait qu'elle – la famille – mettrait tout en œuvre
pour la retrouver. Ils en avaient les moyens. Sans oublier le fait que
Claire s'était enfuie avec l'unique héritière de la
famille.
- Comment m'as-tu retrouvée ?
- Ne me dis pas que tu as
oublié notre façon de travailler ?
- A ce que je vois ton sens
de l'humour n'a pas changé depuis toutes ces années …Et surtout ne me parle pas
de « notre façon de
travailler ». Vous vous êtes servi de moi, de mes connaissances en bio-chimie ainsi que de mes facultés à
parler plusieurs langues pour arriver à vos fins. J'ai cru que je pouvais vous
faire confiance où à défaut que notre amitié était assez forte pour ne pas que tu
me trahisses. Je me suis trompée, je l'ai payée et je le paie. Alors si tu
crois que tu peux venir chez moi me demander de vous rendre un « dernier service » en me menaçant avec ce dossier tu te trompes. Les années sont passées Jack je ne suis plus la jeune étudiante
naïve que tu as rencontrée.
C'est vrai que Claire avait
bien changé depuis leur première rencontre à l'université de Yale.
- Écoute Tanya …
Il n'eût pas le temps de
commencer sa phrase que la voiture se gara. Ils étaient arrivés à la gare du
Nord. Ni l'un ni l'autre n'avait vu défilé le trajet tellement le temps
semblait avoir fait un bond en arrière.
Claire serrait fort le
dossier contre son cœur comme une façon pour elle de protéger ceux qu'elle
aime.
Jack, le savait elle ferait
tout pour s'en assurer.
Le trajet les emmenant à la
gare « Saint-Pancras International » en plein cœur de Londres se passait en
silence, pas un échange, pas un regard. Pourtant, dans la tête de Claire
c'était le chaos. Toutes ses interrogations sans réponse ne l'aidaient pas à
s'apaiser.
Elle avait peur et n'avait
qu'une envie : une cigarette.
- Où va-t-on maintenant ? demanda Claire.
- Je retourne à Paris, j'ai
d'autres dossiers à gérer. A l'intérieur du dossier, tu trouveras le numéro de
téléphone d'un de nos agents ici. Il travaille sur ce dossier depuis près de
cinq ans maintenant. Nous aurions pu nous passer de toi, mais disons que vous
n'avez pas le même sourire et que tout comme moi, tu sais à quel point Laskan peut
être sensible à ce genre de détail. Une fois, cette affaire réglée, je te
promets que tu reprendras ta vie là où tu l'as quittée ce matin.
Claire descendit du train
sans un mot. Pas sûr que son sourire suffise cette fois.
Ce qu'elle ne savait pas
c'est que Jack n'était plus le même depuis la dernière fois qu'ils s'étaient
vus. Lui aussi portait le poids du passé sur ses épaules enseveli sous la
pression de la culpabilité. Quoi qu'elle puisse penser aujourd'hui, cette
amitié était sincère. Elle n'est pas la seule à en faire les frais. Sans doute,
qu'un jour viendrait où elle s'en rendrait compte.
En attendant, l'heure
n'était pas à la rédemption.
Elle ouvrit le dossier afin
de prendre contact avec celui qui travaillait sur l'affaire depuis près de cinq
ans. Elle ne manqua pas de jeter un regard sur les photos de sa famille comme
pour se donner du courage.
- Allô c'est Claire
- Claire ?
- Tanya, si vous préférez
- Oui je préfère
- Où peut-on se rejoindre ? J'aimerais faire vite et rentré rapidement retrouver les gens que j'aime.
- Rendez-vous au « Starbucks » présent dans la gare. Je vous attends.
Elle n'eût pas le temps de
poser plus de question qu'il avait raccroché. Quelques instants plus tard elle
était assise face à un parfait inconnu ne sachant pas trop ce qu'elle faisait
là.
- Vous voulez un café, lui proposa-t-il
- Non je ne bois plus de
café depuis que j'ai arrêté la cigarette. Mais bon, nous ne sommes pas là pour
prendre un café alors si vous me disiez ce que vous attendiez de moi.
C'est alors, qu'il lui
montra une photo récente de Laskan. Elle n'en crut pas ses yeux, c'était
bien lui. Dire qu'elle avait vécu toutes ces années en pensant qu'elle avait
commis le pire acte qu'un homme puisse faire alors qu'il était vivant !!!
Elle était prise entre le
sentiment de soulagement et de terreur. Qu'allait-il se passer s'il apprenait
qu'elle était là ?
Il lui montra d'autres
photos tout en expliquant qu'elles étaient les intentions de Laskan ainsi
que la raison de sa venue à Londres.
- Mais comment voulez-vous
que j'approche un homme que je suis censée avoir tué ? Et pis vous n'avez plus besoin de moi si vous l'avez
localisé. Je
ne comprends pas, je m'en vais.
- Il a réussi
- A quoi ?
- Il a élaboré un poison
dont seule vous connaissez la formule et donc comment contrecarrer ses plans.
IL n'en fallait pas plus
pour qu'elle comprenne. Elle savait très bien de quoi il parlait. Ils
avaient élaboré une formule ensemble mais n'étaient pas arrivés au bout du
processus. Ils avaient abandonnés l'idée, du moins, elle avait abandonné cette
idée beaucoup trop dangereuse pour elle. Jamais elle n'aurait pensé qu'il
puisse y arriver même elle ne pensait pas pouvoir le faire.
- Je ne vois pas de quoi
vous voulez parler.
- A quelqu'un d'autre, je
connais la vie de cet homme aussi bien que je connais la mienne dit-il en
prenant une gorgée de son café. Une partie de votre vie, du moins la période où
vous étiez ensemble, est intimident liée à la sienne. Je sais très bien que
vous savez de quoi je parle continua-t-il en la fixant du regard.
- Admettons, quelle est la
suite de l'histoire ?
- Il va falloir que vous
infiltriez de nouveau son réseau.
- Il s’en prendra à moi. Je
l’ai laissé pour mort s’écria alors Claire.
- vous devez terminer
cette mission et pour cela vous devrez vous protéger. Votre meilleure
protection aujourd’hui sera Sharmila. Lakshan ne vous fera aucun
mal si vous lui dites qu’il a une fille et qu’il pourra la rencontrer.
L’homme de la CIA partit
alors rechercher un café afin de laisser Claire réfléchir à ce qu’il venait de
dire. Elle se demanda comment sa vie avait pu autant changer en 36h. Maintenant
que la CIA l’avait retrouvée, elle avait l’obligation morale de finir la
mission mais que risquait sa famille ? Et Sharmila ?
Claire ne savait rien de
cette adolescente, elle s’était souvent demandé ce qu’elle était devenue.
Surtout à la naissance de ses 2 autres filles, les petites sœurs de Sharmila.
Son cœur se serra à cette pensée, elle devra s’expliquer sur son passé.
Claire savait qu’elle se
trouvait à un moment de sa vie où tout allait basculer.
L’homme revint, et lui
tendit une enveloppe, un ordinateur portable et un téléphone. Il lui expliqua
qu’il y avait toutes les informations dont elle avait besoin pour sa mission et
qu’il travaillerait pour elle, Il se présenta sous le nom de John.
- Ma voiture est au
parking, vous êtes prête ?
Claire regarda les gens
autour d’elle, ces personnes qui ont une vie calme, comme elle, avant qu’elle
ne réponde à cette annonce. Elle sortit son téléphone personnel de son sac et
composa le numéro de Mme Dupont afin de lui demander de s’occuper des enfants
puis appela Sébastien en se demandant comment expliquer la situation. Elle
tomba finalement sur le répondeur ce qui permit de l’informer de son absence
pour quelques jours sans répondre à des questions auxquelles Claire n’était pas
encore prête, puis coupa son téléphone.
- On y va
Claire se retrouva dans
une Audi A3 avec cet homme travaillant pour la CIA. Elle ouvrit
l’enveloppe qui contenait : un
plan, une photo de Sharmila et un rapport militaire sur l’armement
chimique. Elle expliqua à John qu’elle devait se rendre dans la banlieue de
Londres, au domicile de Lakshan.
Il restait donc 1h à Claire
avant d’affronter son passé.
Comment allait-elle faire,
comment pourrait-elle lui parler de leur fille qu'elle ne connaissait pas?
Bien sûr, il y avait le
dossier mais il la connaissait, il devinerait le mensonge. Non, il allait
falloir être convaincante, ne pas trop s'épancher sur leur fille ni sur sa
nouvelle vie et se concentrer sur le poison.
En lui parlant de leur fille,
elle se protégeait mais ne mettait elle pas Sharmilla en danger?
Certes, il l'aimerait, mais si elle ne finissait pas la mission, ne serait elle
pas en danger?
Puis pour finir la mission devrait-elle
encore commettre l'irréparable?
Le poison lui posait aussi
souci, quand elle l’avait laissé, ils essayaient de l'élaborer et en douce elle
avait tenté de faire un antidote.
Il n'était pas question
qu'il se serve de cette arme car produit en grande quantité, ce poison le
deviendrait une arme biochimique.
Déjà, l'ébauche était
mortelle mais Laskan n'en était pas satisfait, il voulait le poison
parfait, incolore, inodore, indétectable laissant penser à une mort naturelle.
Mais l'incolore et indétectable relevait du miracle.
Le convaincre de la
reprendre dans son équipe n'allait pas être aisé, après tout, elle l'avait
laissé pour mort et malgré Sharmilla comme assurance, ça ne semblait
pas bien se profiler.
Le coup de l'agent qui se
retourne contre ses employeurs, lui semblait une bonne ébauche de plan, après
toutes ses années à les oublier, sa colère contre eux de l'avoir de nouveau
embarqué la dedans lui servirait.
Mais trop de questions
lui traversaient l'esprit, un gout de bile se faisait ressentir dans
la bouche.
-Non Claire ne panique pas,
tu l'as déjà fait, c'est comme refaire du vélo, ça ne s'oublie pas.
Et pourtant que n'aurait-elle
pas donné pour ne pas remonter sur cette fichue bécane.
La voiture s'arrêta devant
le bâtiment, elle prit une grande inspiration et sortit de la voiture.
Tête droite, regard
vif, démarche assurée, elle avança vers l'interphone et appuya.
C'est maintenant que tout
commence et que tout se finit pensa claire avant d'entendre le déclic de la
porte d'entrée
Claire serrait les dents en
franchissant les escaliers des deux étages qui la séparaient de ses
retrouvailles avec Laskan, son ancien amour, l’homme pour qui elle aurait
tout abandonné, avant.
La porte s’ouvrit d’un
coup, Claire était tétanisée, elle essayait de contenir son angoisse :
elle voulait paraître sereine, elle ne sait pas pourquoi cela lui tenait
tellement à cœur, peut-être n’avait-elle jamais fait une croix sur cet amour
passé, finalement.
Mais quand la porte fût
ouverte et qu’elle découvrit le visage de l’homme qui l’attendait, quelle ne
fût pas sa stupeur !
Elle devint livide en
découvrant Sébastien, son mari !
Son visage se crispa, puis
elle céda à la panique, l’incompréhension, la peur. Elle qui, dans sa vie
d’avant était connue pour son calme et sa détermination, était maintenant
complètement déstabilisée.
Sébastien la fit asseoir,
elle le suivit, hébétée. Il posa la main sur son épaule et commença à
parler : « Claire, je t’aime depuis le tout premier jour, je t’aime
depuis que nos regards se sont croisés. »
Claire ne comprenait pas où
il voulait en venir, ni ce que ce John savait, où encore si Jack était au
courant de quoique ce soit : « Où est Laskan ?! »
« Claire, Laskan est
mort depuis le jour où tu l’as éxecuté. Mais ce jour-là, tu as perdu plus
que ton premier amour, tu as aussi perdu ta fille. Depuis que je partage ta
vie, je partage aussi tes angoisses, tes peurs et surtout tes cauchemars la
nuit : grâce à eux, j’ai compris que ta vie d’avant n’avait pas été
simple. Puis, j’ai voulu en savoir plus.
J’ai noté
consciencieusement les bribes d’informations, les noms que j’entendais pendant
tes crises nocturnes. Ensuite, j’ai mené mon enquête et retrouvé Jack qui m’a
raconté toute ton histoire. »
Claire était sidérée et
affolée, elle découvrait un autre homme, se posait mille
questions : « Mais où sont Lucile et Margot ? »
Sébastien la
rassurait : « Ne t’en fais pas, elles sont chez mes parents,
elles ne savent rien. »
« Mais pourquoi cette
mise en scène ?! Pourquoi ne pas m’avoir dit tout simplement que tu étais
au courant de tout ? »
« Je ne supportais
plus tes hurlements la nuit, l’état dans lequel tu te mettais à cause de ces
souvenirs qui te hantaient, puis le matin quand tu oublias tout grâce
à ces pilules « magiques » que ton psy t’avait prescrit. Moi, je le
vivais mal et je voulais mettre fin à ce calvaire, sans pilule
magique ! »
Claire ne comprenait pas le
but de cette mise en scène : « Et alors, te faire passer
pour Laskan, ça va changer quoi ? Et pourquoi m’avoir fait venir
ici ? »
Sébastien la regardait
droit dans les yeux, prit une voix calme et posée et lui
avoua : « La mise en scène, c’était pour que tu acceptes de
venir. Et, il fallait que tu viennes pour rencontrer Sharmilla, ta
fille. »
Sharmilla apparut
derrière Sébastien, plus belle et plus souriante que sur la photo, encore plus
resplendissante que dans l’imagination de Claire.
Claire lâcha prise et
fondit en larmes en embrassant sa fille pour la première fois.
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Conclusion : Je suis contente d'avoir participé à la loufoquerie
de Nath et du résultat : on recommence !
See U ;-)